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Régater en Australie… ça se passe comment la tête en bas ???

Novembre 2018, je suis en Australie pour courir le championnat du monde de classe A. Comment ai-je pu m’embarquer dans ce truc ?

En janvier, j’avais essayé de motiver quelques potes de la SACA de venir en force en Australie. Peu d’entre eux étaient enthousiastes à l’évocation de cette idée, pour des raisons diverses et valables: coût, bateau à mettre dans le container dès mi-août, voyage lointain, contingent de vacances à sec, bref, au final, l’équipe suisse se compose de Nils Palmieri et de moi. Nils a dû charger son bateau dans le container allemand très tôt, de mon côté j’ai loué un bateau sur place, généreusement préparé par le président de la classe australienne, Ian “Storm” Johnson.


baston loin au-dehors

Depuis 2017, la classe A se compose de 2 disciplines : les bateaux “Open” qui respectent strictement nos règles de classe mais autorisent le vol (foiling), et nouvellement la discipline “Classic” qui au moyen de règles simples limite très fortement l’effet de “lift” et ainsi conserve le bateau dans l’eau. En gros, les “Open” volent au près et au portant, de 8 à 20 noeuds de vent. Le support est physique et l’apprivoiser demande de l’entraînement conséquent et soutenu, sans parler de l’aspect financier, les bateaux étant plus complexes, ils sont également plus chers. Les bateaux classiques sont quand à eux plus conventionnels, plus simples à construire, plus faciles à naviguer, moins coûteux.

Du côté des forces en présence, les “Open” sont pilotés par des régatiers plutôt jeunes, cette plateforme étant souvent utilisée pour entraîner les marins foilers sur d’autres bateaux plus grands (America’s Cup, GC 32, etc). Le niveau est très élevé, le top-ten étant constitués par des professionnels. Quand vous allez au bureau, ils vont naviguer, et ils sont payés pour ça. C’est leur job, et à force de naviguer plus de 250 jours par an, ils finissent forcément par mettre la pâtée aux amateurs dans mon genre. Le fameux Glenn Ashby, 10 fois champion du monde, Blair Tuke et Peter Burling, médaillées olympiques et barreur de ETNZ en 2017 aux Bermudes étaient là, au milieu de 69 participants “Open”.


se détendre et faire le clown entre 2 manches

Chez les classiques, on y retrouve des gens très qualifiés, ayant souvent une longue carrière de voile derrière eux, certains médaillées olympiques. Je citerai quelques personnes qui m’ont mis la pâtée, soit Andrew “Landy” Landenberger, Scott Anderson, Ben Hall. Au total 45 participants “Classic”.

La beauté de la classe, c’est de pouvoir régater avec ces légendes vivantes. Si vous pratiquez le tennis, c’est comme de faire un tournoi avec Federer, Nadal et Wawrinka. Et je vous assure que nos champions de classe sont très sympathiques, très abordables, et qu’aucun d’eux n’a la grosse tête. Pour nous autres amateurs, pouvoir naviguer avec ces gens est un plaisir qui se renouvelle chaque année. L’ambiance dans le parc à bateaux est d’ailleurs très conviviale, et emprunter des outils ou apporter son aide pour réparer, basculer ou soulever un bateau fait partie du quotidien.


terrain de jeu

Précédant le championnat du monde, les organisateurs avaient programmé le championnat national australien, avec 3-4 jours entre les 2 événements. Cette formule permet de régater 2 semaines, avec une mise au point du bateau lors du national. De mon côté, j’ai tout d’abord régaté avec un mat trop raide, qui ne convenait pas à ma voile trop creuse, impossible d’aplatir mon creux au près. Pour le mondial, j’ai changé mon mat pour un modèle plus souple, qui convenait mieux à la voile “big head” que m’avait prêté Robin Maeder, président de la classe suisse.


Nils en vol (SUI 87)

Pour dépeindre la situation du championnat, localisez Hervey Bay, Queensland sur la carte. Très longue plage, mise à l’eau facile, petite marée, quelques hauts-fonds à reconnaître et éviter. Eau quasi plate, un peu de clapot dès 20 noeuds de vent. L’eau était à 25°, l’air à 28-30°… et oui, c’est le début de l’été austral, il fait chaud. Nous avons vécu de très belles régates avec des vents généralement entre 12 et 18 noeuds, parfois un peu moins ou plus fort. La limite fixée par nos règles de championnat étant dépassée parfois, nous n’avons pas pu courir les 12 manches prévues mais avons pu en faire 9.

Les comités de course ont dans chaque discipline produit un travail très sérieux avec les lignes, les angles, les rotations, etc. C’est aussi agréable de savoir que les rotations du vent conduisent à l’annulation de la manche ou au déplacement d’une bouée durant la manche… il vaut mieux connaître la pavillonnerie sur le bout des doigts. L’autre piège étant l’émargement en sortant et rentrant, les Suisses n’y sont pas habituées et les pénalités pleuvent dès le moindre oubli.

Au final, je me suis bien amusé durant 3 semaines, et les quelques désagréments (jetlag, voyage) ne gâchent pas le plaisir de naviguer dans ces eaux splendides, ou nous avons vu dugongs, dauphins et tortues géantes. Heureusement que les sifflements des foils font fuir ces paisibles voisins aquatiques, aucune collision avec eux n’a été reportée.

Et à la fin, qui gagne ??? Glenn et Landy, ça, c'est fait... 10ème titre pour Glenn, allez comprendre de quelle planète il vient...

Pour les adeptes, voici encore quelques notes :
La technique chez les “Open” qui ont le niveau top-ten :

  • vol au portant totalement maîtrisé sur une layline, dès 7-8 noeuds de vent
  • vol au près avec VMG efficace entre 12-20 noeuds de vent
  • réglages asymétriques d’incidence de foils et de safrans
  • manœuvres d’abattée et de lof sans décrocher le trapèze, en restant en vol

La technique chez les “Classics” dans le top-5 :

  • les voiles deck-sweeper dominent et donnent un avantage certain, mais sont plus creuses que les deck-sweeper des volants, avec axe de bôme au pied du mat
  • les départs, les manœuvres et la vision du plan d’eau doivent être parfaits
  • le trapèze au portant avec VMG efficace dès 10 noeuds


hop Schwwiiiizzz !!!

Charles, SUI 65